Une étude sur la participation citoyenne et le bénévolat aux politiques des patrimoines a été menée de septembre 2020 à décembre 2021 par quatre conservateurs généraux, inspecteurs des patrimoines. Elle a essentiellement consisté en des entretiens semi-directifs auprès de 250 acteurs du patrimoine, professionnels, bénévoles et participants, ainsi qu’auprès d’élus. Un colloque a ensuite été organisé au début de l’année 2022. Il a réuni, en distanciel et en présentiel, près de 400 inscrits, et a confirmé le diagnostic et les pistes d’actions ressortant de l’étude.
Il est rapidement apparu que la problématique de l’engagement des citoyens dans les politiques patrimoniales, qui prend de nombreuses formes, méritait un prolongement au-delà du diagnostic et des pistes d’actions proposées pour approfondir plusieurs questions :
- Quelles légitimités scientifiques et politiques pour les différents acteurs des politiques patrimoniales, lorsque la participation des citoyens est introduite ?
- Quelles limites peut-on ou doit-on poser lorsque cette participation est mise en place ?
- Quels profils et quelle évolution pour les participants et les bénévoles ?
- Comment sont-ils considérés par les professionnels ? Comment se perçoivent-ils eux-mêmes ?
- Quelle place occupent-ils réellement dans les dispositifs participatifs et quelle place souhaitent-ils ?
- Tous les champs patrimoniaux se prêtent-ils à la participation ?
- Les formes de la participation sont-elles différentes suivant les champs ?
- La participation dans le patrimoine culturel est-elle spécifique et se distingue-t-elle de celle observée dans d’autres politiques publiques ?
Les articles, qui pourront émaner de personnes engagées, soit à titre individuel soit à titre collectif (fédération, association, société savante), de membres du monde académique ou d’acteurs professionnels (responsables d’établissements culturels tels qu’archives, musées ou bibliothèques ou de services patrimoniaux de l’État ou de collectivités territoriales), devront donc aborder ces différentes questions. Les perspectives internationales seront les bienvenues pour élargir le sujet.
Nous proposons de regrouper les différentes questions ci-dessus en trois axes, mais des contributions sur de nouvelles thématiques pourront être proposées :
Axe 1 – De la consultation à la décision : jusqu’où aller dans la participation ?
Axe 2 – Qui sont les participants et les bénévoles ?
Axe 3 – Existe-t-il des différences entre les champs patrimoniaux ?
Axes et problématiques envisagés
Axe 1 – De la consultation à la décision : jusqu’où aller dans la participation ?
Autant la question de la participation de la société civile se pose depuis les origines de la démocratie, autant celle de ses limites se pose également. Simple consultation ou participation à la gestion d’un service ou d’un établissement ? Jusqu’où peut-elle aller ? Les différentes formes de participation pourront être interrogées.
Le bénévolat et la participation sont-ils admis par ceux qui détiennent légitimement le pouvoir et le savoir – élus, fonctionnaires, experts –, et ces groupes sont-ils prêts à cette coopération ? Jusqu’où sont-ils également prêts à partager pouvoir et savoir ? Sont-ils formés à cet exercice ? Quels sont les risques en matière scientifique et donc les limites de ce partage ? Telles sont les questions rencontrées.
Un projet participatif peut-il être mis en place sans que se pose la question des compétences des participants ? À l’inverse, un projet participatif requiert-il des compétences particulières pour être mis en place et réussir ?
L’approche scientifique peut-elle aller jusqu’à la cogestion ?
Il existe de nombreux exemples de co-construction d’un programme de collecte ou de recherche dans un des champs patrimoniaux, d’un programme urbanistique ou architectural, de son élaboration jusqu’à sa réalisation. Les modes de travail sont-ils en train de changer et observe-t-on dans le domaine du patrimoine de nouvelles habitudes ?
Qu’en est-il, en revanche, de la cogestion d’un service ou d’un établissement patrimonial ? Elle semble supposer un type d’organisation particulier accordant une place à des acteurs autres que des élus ou des fonctionnaires. Mais lequel ?
Parmi les freins évoqués par les différents interlocuteurs, la question d’une éventuelle remise en cause de l’approche scientifique du patrimoine est ressortie. Quelles formes peut-elle prendre ?
Quelles limites peut-on ou doit-on poser lorsque la participation est mise en place ?
La première limite observable à partir des comptes rendus d’entretiens de l’étude et à partir de la littérature est celle du manque de temps et de moyens à consacrer à l’encadrement de bénévoles et de participants. Cette limite est-elle toujours invoquée à juste titre ?
Nombre de responsables d’établissements ou de services patrimoniaux invoquent les risques juridiques que ferait courir l’intervention de bénévoles et de participants dans le fonctionnement d’un service ou d’un établissement. Quelle serait leur responsabilité en cas de problème, ou quelle serait la responsabilité de la personne bénévole ou participant ? La question de la propriété intellectuelle des données produites ou des connaissances apportées est également récurrente.
L’un des points bloquants souvent mis en avant serait la réticence des personnels d’un service ou d’un établissement. Et cela quelle que soit leur taille. Cela irait de réticences personnelles d’un ou plusieurs agents jusqu’à des blocages exprimés via les organisations syndicales. L’histoire de l’institution ou de la discipline expliquerait parfois ces blocages.
Limites et risques semblent donc nombreux dans le long chemin du bénévolat et de la participation. Existent-ils vraiment ou résultent-ils davantage d’attitudes que de réels obstacles ?
Axe 2 – Qui sont les participants et les bénévoles ?
La question du profil des bénévoles et celle du regard des professionnels et des politiques sont des considérations qui dépendent des secteurs patrimoniaux et de leurs degrés d’ouverture aux acteurs. La numérisation de la société en a marginalisé certains et mobilisé d’autres, tandis qu’une forme de judiciarisation impacte ce monde de l’engagement où volontaires, professionnels et politiques se rencontrent et agissent.
Quels profils et quelles évolutions ?
Les bénévoles sont des acteurs de terrain dont la force est de disposer de temps, d’un profil socioprofessionnel adéquat ou d’une motivation particulière, mais favorable aux apprentissages. Les associations ont longtemps été le vivier du bénévolat, mais leur évolution, notamment le vieillissement des membres, nécessite d’en repenser la place dans des domaines patrimoniaux qui cultivent le travail en mode projet.
Comment sont-ils considérés et comment se perçoivent-ils ?
Il s’agit donc de considérer le croisement des regards qui varient selon les attentes et les besoins. La volonté, l’émotion, le pragmatisme, les compétences et la légitimité sont les ingrédients d’un monde d’intérêts complémentaires qui n’exclut pas les contradictions voire les confrontations.
Quelle place occupent-ils et quelle place souhaitent-ils ?
La question des rapports réciproques suggère de considérer l’acceptation mutuelle qui a largement évolué et parfois changé selon les secteurs.
Axe 3 – Existe-t-il des différences entre les champs patrimoniaux ?
Les axes précédents montrent bien que la participation et le bénévolat diffèrent d’un champ patrimonial à l’autre. Il est intéressant de préciser à quel niveau se situent les différences observées.
Le patrimoine, qui est le bien commun à transmettre, concerne par nature l’ensemble des citoyens. Mais suivant sa nature – archives, livres, œuvres d’art, objets du passé proche ou lointain (dans le temps et dans l’espace), patrimoine bâti ou naturel… –, certaines des trois grandes étapes de la patrimonialisation – collecte, conservation, étude et valorisation – semblent ne pas pouvoir se prêter, du moins de la même manière, à l’intervention des bénévoles et des participants, en regard de celle des professionnels. Cette impression est-elle justifiée ou relève-t-elle plus d’une évolution différenciée des différents champs et de leurs spécialistes ?
Existe-t-il une spécificité de la participation dans le patrimoine culturel ?
Comparer la problématique de la participation des citoyens aux politiques des patrimoines, avec celle concernant, par exemple, pour le ministère de la Culture, les politiques ayant trait à la création artistique et au spectacle vivant, mais aussi à d’autres champs des politiques publiques, l’environnement, la recherche ou la santé notamment, pourrait être intéressant. Un regard sur la situation dans d’autres environnements culturels et politiques, à l’étranger ou pour le patrimoine immatériel serait éclairant.
Les articles proposés devront contenir une part inédite d’expérience, de recherche, d’hypothèse ou de mise à jour ; ils ne sauraient reprendre la totalité d’un article déjà paru. Il est souhaité qu’ils soient largement illustrés, y compris par des exemples sonores et/ou audiovisuels. Ainsi pourraient-ils contenir un entretien vidéo ou en prendre la forme.
Si vous souhaitez contribuer à ce numéro, nous vous remercions d’envoyer avant le 15 juin 2023 un résumé de votre proposition de 1500 signes au maximum, ainsi qu’un court CV
par courriel :
insitu.patrimoines@culture.gouv.fr
ou par voie postale :
Ministère de la Culture
Direction générale des Patrimoines et de l’Architecture
Revue In Situ
à l’attention de Nathalie Meyer
6, rue des Pyramides
75001 Paris
Merci d’envoyer également une copie de votre proposition aux coordinateurs scientifiques : Sylvie Le Clech, Bruno Saunier, Simon Piéchaud, Pierre Pénicaud à :
Sylvie Le Clech, conservatrice générale du patrimoine, directrice adjointe des Archives diplomatiques, ministère des Affaires étrangères sylvie.le-clech@diplomatie.gouv.fr
Bruno Saunier, conservateur général du patrimoine, inspecteur des patrimoines – collège musées, ministère de la Culture, direction générale des Patrimoines et de l’Architecture pierre.penicaud@culture.gouv.fr
Simon Piéchaud, conservateur général honoraire du patrimoine bruno.saunier@culture.gouv.fr
Pierre Pénicaud, conservateur général du patrimoine, inspecteur des patrimoines – collège musées & patrimoine scientifique, technique et naturel, ministère de la Culture, direction générale des Patrimoines et de l’Architecture piechaud.simon@orange.fr
Les textes des articles correspondant aux propositions retenues sont attendus pour le 1er janvier 2024. Vous pourrez rédiger votre article en français ou dans votre langue d’usage. Les textes seront publiés dans leur version originale et dans leur traduction française. La taille des articles sera comprise entre 15 000 et 35 000 signes, espaces et notes comprises.
Les recommandations aux auteurs concernant le nombre de pages ou d’images, les droits iconographiques, l’insertion de notes et de liens, etc. sont consultables sur le site de la revue : https://journals.openedition.org/insitu/32424
La rédaction de la revue In Situ